PROLOGUE

De nos voyages de par le monde, je garde une tendresse toute particulière pour l’Inde. Une étape au Madhya Pradesh, et nos séjours successifs au Rajasthan nous ont permis de suivre, au plus près, la vie des tigres du Bengale ; le Gujarat nous a offert de superbes observations des derniers lions d’Eurasie; l’Assam nous a plongé au cœur des plaines alluvionnaires du Brahmapoutre, en compagnie des rhinocéros unicornes et des éléphants sauvages. Mystique féérique, pays d’extrêmes et de contrastes; de fastes, de misères, de chaleur et de poussière; constituée de déserts de jungles tropicales, de plaines alluviales fertiles et de deltas démesurés, où se plaisent les mangroves; cerclée de chaînes montagneuses à la roche volcanique, de montagnes boisées au climat tempéré, et de massifs enneigés générateurs de mousson; berceau du mythique fauve rayé, garante de la survie des rhinocéros unicornes, et dernier bastion des lions d’Eurasie; l’Inde multiple nous a émerveillé.

SARISKA (1983)

Lors d’un court séjour dans cette réserve des Aravalli, c’est à pied que nous avions choisi de remonter le lit asséché d’une rivière temporaire, à la recherche d’indices de présence du Seigneur des jungles asiatiques, le tigre du Bengale.

Rivière temporaire

Avancée silencieuse

Quasi religieuse

Dans le cours d’eau assoiffé

Ambiance irréelle

Etincelant ciel bleu roi

Paysage féérique

Elégantes fleurs roses

Feuillage d’émeraude

Sable et roches grises

Passage lapis-lazuli

D’un martin pêcheur

Concert de perruches

Bonheur sublime d’être là

Soupçon de danger

Quête d’indices vivifiée

Avance prudente

Scanne des lauriers roses

Et du sable clair

Soudain offrande des Dieux

Nos premières empreintes

Du Seigneur de la jungle

BANDHAVGARH

(1984 janvier)

N’incitant pas les touristes à la visite, l’hébergement quelque peu délabré et désorganisé de cette époque fût pour nous une aubaine. Venus à quatre amis, cette année-là, nous étions seuls à patrouiller dans la réserve, deux par éléphant, à la recherche du grand fauve rayé…

Première rencontre

Sous les dernières étoiles

A dos d’éléphants

Petit matin hivernal

Traversée de la rivière

De pairies givrées

D’une vieille palmeraie

Doux chant des tourterelles

Appels de perdrix

« Coup, coup, coup, … » son des barbets

Cerf Axis éparpillés

Perdrix qui trottinent

Vagabondage des paons

Brumeux lever de soleil

Forêt de bambous

Traces de tigre près d’un ruisseau

Lecture des indices

Il a bu ici

A quitté le cours d’eau

Alors la pistée commence

Sur les éléphants

Bringuebalés on s’accroche

RANTHAMBORE

(1983 à 1988 – 6 séjours)

Elle avait un charme fou, une âme; était en ces temps-là déjà, la perle des zones réservées au tigre du Bengale. Nous sortions à la moindre alarme, avions l’extrême privilège de circuler partout où la faune nous emmenait, sans restriction de lieu ni de durée. Passionnés, nous avions contracté le virus du tigre, et en vingt semaines, réparties sur cinq ans, avons fait des observations d’exception. Généreuse, Ranthambore nous a tout donné! Ce fut un bonheur total.

Petite présentation

Depuis la citadelle

Lacs et forêts

La vue porte à l’infini

Vastes collines boisées

Plateaux arides

Falaises et ravines

Sur le bord d’un lac

Rouge-rose le Jogi Mahal

Dans un écrin de verdure

Camp de base enchanteur

Entre eau et banian

Sur le territoire de Nun

Banian spectaculaire

Foison de racines-tronc

Exceptionnelle frondaison

Nun tigresse souveraine

Du secteur des lacs

Padam Rajbagh et Malik

Enchâssés dans la jungle

Joyaux somptueux

Eaux foisonnantes de vie

Vision paradisiaque

Romantique couverture

De lotus et nénuphars

KAZIRANGA

(Novembre 2002)

Mon souvenir de cette réserve, c’est le plaisir des yeux, le dépaysement total de ses paysages romantiques et sauvages ; de la vaste mosaïque de biotopes des zones alluviales du Brahmapoutre enchâssées dans ses méandres, et peuplées de myriades d’oiseaux, de mammifères, d’insectes et bien d’autres espèces vivantes en symbiose entre elles et une flore généreuse. C’est aussi une émotion toute particulière à la rencontre des « Mishing », tribu ingénieuse et autonome, qui comme nos lointains ancêtres les lacustres, vivent dans des maisons sur pilotis au rythme des fluctuations du Grand fleuve.

Vision lointaine

Au cœur des vastes prairies

Loin des prédateurs

Femelles et jeunes rhinos

Au bord d’une rivière

Troupeau d’éléphants

Valse des blancs garde-bœufs

Entre deux étangs

Bruyante et agitée

Une colonie de sternes

Calot noir pattes et bec jaune

Blanches ailes effilées

Si élégantes

Légères filent dans les airs

En piqué entrent dans l’eau

Poissons capturés

Reflet du ciel sur l’étang

Envol général

Dentelles de sternes dans le ciel

Paisibles cerfs et buffles

Sur les pâtures

Traversent les éléphants

Des mainates sur leur dos

Et tout autour d’eux

Papillonnent des garde-bœufs

SASAN-GIR

(Mai 2002)

Relique de leur espèce, proche de l’extinction à la fin du 19ème siècle, les lions d’Eurasie doivent leur survie à la combinaison de trois facteurs majeurs : la propre mentalité du peuple indien, qui intègre totalement le règne animal dans le cycle de la vie humaine, et confère un caractère sacré à un grand nombre d’espèces ; une importante action de protection de l’écosystème, mise en place par le Nawab de Junagadh au début du 20ème siècle; et enfin la surprenante placidité naturelle des lions asiatiques, qui indubitablement découle du premier facteur. Attention, placidité n’exclut ni force, ni potentiel d’agressivité ! Pour s’aventurer dans cette forêt, il ne faut en aucun cas oublier que les fauves sont puissants, redoutables, et chez eux !

Les Shikaris

Descendants des 1ers gardes

Pisteurs d’élite

Sentinelles des lions

A quelques mètres des fauves

Accroupis ils veillent

Dans la jeep nous jubilons

Tapis de feuilles mortes

Sous-bois dénudés

Camaïeux d’ocres et de beiges

Pelage cendré

Estompés mimétiques

Les lions asiatiques

Crinière noire toupets fournis

Et robe cendrée

Pour l’adulte visiteur

Légère crinière blonde

Fièrement portée

Pour les frères subadultes

Douce caressante

La lumière matinale

Nimbe d’or leur pelage

Spectacle très paisible

Et voluptueux

Nous sommes aux premières loges