PROLOGUE

Qu’il est vivifiant d’aller à la découverte des trésors de notre merveilleuse planète bleue! Nul n’est besoin de courir les antipodes; ses joyaux sont partout dans notre environnement naturel. Ils sont autant le simple brin d’herbe qui pointe d’une fente du béton, que les splendeurs des couchers de soleil. Mon petit footing journalier en périphérie urbaine m’enchante. Faune, flore, paysages, et éléments me réservent chaque jour d’inédites surprises. Un rouge-gorge par-ci, une lumière particulière par-là, de nouvelles coroles dans la jachère, une tempête ou un ciel radieux. Sur les hauts de mon parcours, le Mont Salève domine la plaine genevoise, me rappelle balades et petites aventures. L’écriture me permet de revivre et de sublimer mes observations, pour les partager au plus proche de ce que j’ai ressenti. Ecrire ces pages fut un régal. Les styles choisis se sont imposés à moi par leur aspect de bande dessinée, par la nécessité qu’ils imposent d’éliminer le superflu, parce qu’ils offrent également le rythme de la marche et l’instantanéité des observations. Le côté journal de bord égrène naturellement le temps au fil des saisons…

FOOTING MATINAL

Mon parcours débute dans un charmant parc public, face au levant, juste au-dessus des voies ferrées, puis passe la route cantonale et une station de trams avant d’arriver en fin d’agglomération. De là, un chemin sans nom bordé de prés et de cordons boisés me conduit à une zone de jardins familiaux; tous bien alignés, avec chacun sa cabane. Je longe ensuite jachères et champs cultivés, pour atteindre un petit étang niché au cœur d’un bosquet de grands arbres. Entre ruisseau et prairie à moutons, je me dirige vers un petit bois, le traverse, et débouche en pleine lumière, sur les hauts de la région, parmi les champs de cultures vivrières. Sur la gauche, majestueux, le Mont Salève se dresse comme une muraille, tandis qu’à droite la plaine s’étend jusqu’à la chaîne du Jura qui se perd dans une brume légère. Je redescends par une petite route bordée de vergers et de grands chênes, retrouve les jardins familiaux, puis le chemin sans nom, et emprunte enfin une allée arborée qui serpente entre les immeubles.

1 – 4 mars

Neige de la nuit

Linceul virginal

Sur champs fraîchement hersés

2 – 6 mars

Reflets sur trottoirs mouillés

Ombres et lumières diffuses

Fine pluie neigeuse

3 – 2 avril

Au-dessus du Salève

Rousse de la brume

Petite lune froissée

4 – 4 avril

Neige après le redoux

Ecrin de flocons

Pour les fleurs de prunelliers

5 – 12 avril

Cerisiers en fleurs

Sandales de corde et bâton

Bashô m’accompagne

SALEVE

Que de moments formidables j’ai vécu en communion avec le Mont Salève!

J’ai parcouru ses sentes et ses forêts, escaladé ses falaises et dévalé au clair de lune ses pentes boisées; j’ai affronté les vents et essuyé des tempêtes de grésil, marché à l’aveugle entre couverture neigeuse et brouillard; j’ai cheminé sur ses vires inondées de soleil et côtoyé l’astre diurne dans des clairières retirées.

En balade, j’avais rendez-vous avec les chamois et les hirondelles; je suis aussi sortie des chemins pour fureter, à la recherche de merveilles, et n’ai pas été déçue. Ce fut la découverte d’un glissement de terrain dans une zone sablonneuse, celle d’un parterre de cardamines roses et bleues sous un tunnel de feuillage printanier, ou d’un tapis de perce-neiges dans un sous-bois escarpé. J’ai été émerveillée par des merles à plastron arrivant de migration; j’ai observé des traquets pâtres et des bruants jaunes dans ses prairies, surpris des faucons pèlerins dans ses enrochements et des accouplements de batraciens dans un étang encore à demi gelé.

Lors d’une période de désespoir, je suis descendue au fond des vallons et j’ai enlacé les plus gros hêtres, pour permettre à ses énergies de pénétrer tout au fond de mon être, m’imprégner des forces salvatrices de la nature. Depuis quelques années, la vue depuis ma terrasse embrasse le panorama de cette élévation préalpine, fauve taciturne, endormi au cœur du bassin genevois. Au fil des saisons, ses humeurs et ses fantaisies rythment nos vies. Je l’observe de loin, dans son entité, dans son intimité…

6 janvier

Cimes couvertes de neige

Perdues

Entre nuées et stratus

Qui tout au long de ses flancs

Filent et s’effilochent

A la vitesse du vent

Le Salève

A des allures d’Himalaya

10 janvier

Jour faste de janvier

Dans la grisaille hivernale

Point de dégradé ni d’estompage

Aux reflets du couchant

Juste l’incandescence de la brique en fusion

Sur les falaises du Salève

13 janvier

Fauve ensommeillé

Déshabillé par l’hiver

Le Salève s’est assoupi

Les flancs saupoudrés de neige

Qui souligne et redessine

Ses failles et ses surplombs

KALEIDOSCOPE

Parfum des tilleuls au mois de juin, champs de coquelicots et parterre de violettes; tempête dans les marronniers, éclipse du Mont-Blanc; soleil éclatant dans le ciel bleu, ou tourmente hivernale; les jours se suivent mais ne se ressemblent pas. Le temps qui passe et roule à l’infini, nous réserve d’innombrables moments de bonheur. A nous de les saisir et d’en tirer profit. J’aime la redondance des promenades. Parcourir les mêmes lieux à toutes les saisons, par tous les temps, ouvre la porte de leurs secrets les plus intimes et permet d’en saisir les multiples facettes. Point n’est besoin d’aller loin, la simple observation d’herbes folles sur le bord d’un trottoir, celle de la rivière au passage d’un pont, ou le clin d’œil des levers et couchers de soleil par-dessus les immeubles sont un enchantement, des sources de vie gracieusement offertes par la nature. Ne nous en privons pas!

10 janvier

Gigantesque disque de nacre

Dans un ciel gris-bleuté

Au-dessus des Voirons

Saupoudrés de neige fraîche

Imperceptiblement

S’élève la déesse de la nuit

17 janvier

En cours de nuit

Lune sanguine

Sur l’immeuble d’en face

En fin de nuit

Lune rousse

En lévitation sur le Vuache

5 février

Il neige dru

Grosse polaire

Séance de yoga sur le balcon

Pendant la valse

Des flocons